Les Ménines de Picasso selon Joan Jordà au musée Goya

Joan Jordà, peintre d’origine catalane, explore le thème des Ménines en peinture et sculpture au musée Goya de Castres. L’exposition a lieu jusqu’au 9 juin.

Castres. Jordà : «C’est la faute à Picasso»

«C’est la faute à Picasso si je suis tombé dans les Ménines… Voilà maintenant plus de trente ans que je fréquente ces petites filles de l’Escorial». Nul ne saurait mieux parler de sa propre peinture que Joan Jordà qui a les mots et les couleurs pour le dire. En visitant son exposition au musée Goya de Castres, haut lieu de l’art hispanique, on n’en finira pas de s’étonner de l’audace, de la fureur rentrée, de la sauvagerie même, de cet univers de la part d’un homme qui est dans la vie, un taiseux affable qui a «réduit en lui la part de comédie».

Vivante modernité

Faut-il s’étonner cependant si, inspirées de celles de Velàzquez, les Ménines de Picasso, mort il y a tout juste quarante ans, le 8 avril 1973 au cœur d’un printemps glacial, continuent de hanter l’imaginaire des peintres nos contemporains ?

Dans son style Joan Jordà qui dit avoir eu prescience de sa vocation le jour où il a découvert une reproduction de Guernica, n’est pas loin de penser comme le maître andalou que la vérité en peinture «c’est Léonard de Vinci plus Cézanne», c’est-à-dire «cosa mentale» et engagement physique. Sur les murs du musée, en préambule, la profession de foi du peintre : «Je porte la peinture comme une plaie ouverte depuis si longtemps qu’il n’est plus possible d’en guérir… Que le soleil brille ou que le givre blanchisse les toitures, rien n’apaise cette insidieuse obsession».

Pour Picasso la beauté était un mot qui n’avait pas de sens. Voilà donc que Jordà, à son tour, en s’emparant de sa palette, fait œuvre iconoclaste. Pour le conservateur Jean-Louis Augé, maître d’œuvre de l’événement, cette peinture témoigne de la «permanence de la pensée, de la permanence du geste… Voici la leçon absolue en peinture malgré les siècles qui passent, la société qui change puis disparaît». Et pour Denis Milhau qui fut conservateur du musée des Augustins de Toulouse et auquel la ville doit le fameux rideau de scène offert par Picasso lui-même, la leçon de Jordà est de celles qui s’inscrivent dans une vivante modernité : «Au vu des œuvres quelles que soient leur diversité et leur évolution dans le temps, on est nécessairement frappé par leur singularité et leur originalité, du temps même que l’on ne peut que constater leur parenté avec les œuvres de Fautrier, de Dubuffet, de Karel Appel ou de Lindström pour ne citer que ces noms emblématiques d’un certain expressionnisme caractéristique de la dénonciation d’un monde où la liberté et l’esp oir de l’homme ne peuvent s’exprimer que par l’outrance grotesque de la représentation de ce monde.»

Il ne faut pas se cacher que l’immersion dans cet univers d’essence tragique est de nature à commotionner le cœur et l’esprit. C’est que pour laisser le dernier mot à l’auteur de ces figures rescapées des enfers intérieurs : «Ce n’est pas le spectateur qui regarde mes œuvres, ce sont mes œuvres qui regardent le spectateur.»

Pour finir il y aurait quelques profits à comparer les sculptures de Jordà aux statuettes ibères exposées elles aussi dans les salles attenantes du premier étage, pour se persuader aussi de l’intemporalité de l’art.

Musée Goya, Joan Jordà jusqu’au 9 juin. Fermé le lundi. Visites guidées aujourd’hui dimanche et le 5 mai 2013 à 15 h 30. Tél.05 63 71 59 30et goya@ville-castres. fr

Marie-Louise Roubaud

www.Ladépêche.fr

via Castres. Jordà : «C’est la faute à Picasso» – 07/04/2013.

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